Chienne de vie. Il n’y a pas de saison pour se sentir comme un mégot écrasé entre les gros doigts poisseux du Hasard. Et pourtant. Aucun regard, aucun amour, aucune civilisation ne résiste aux immenses roues du Temps. Il aplatit tout Passé et forme un horizon laid sur lequel nos yeux se fixent malgré nous. Est-ce ça l’enfer ? Une plage longue et lisse faite de vide dans laquelle la seule chose à voir est ce laid horizon. Ça ne peut pas être ça. Il existe malgré tout des lueurs qui frémissent. Dans ces abris temporaires creusés par la lumière se trouve un répit qui accueille. Trouver les lueurs et y courir.

Mais c’est vrai, il n’y a pas de soleil caché derrière les nuages. C’est à nous de trouver l’eau dans ce désert même quand ces lueurs semblent être des mirages. Inscrire sur le sable de cette plage vide nos vœux avec ferveur, ce que l’on souhaite voir exister pendant cette chienne de vie. On peut faire beaucoup, on le doit certainement. Entendre la réalité de l’autre, l’épauler et le surprendre quand la tempête gronde. Cette chance que l’on crée pour autrui par notre présence ne garantit aucun changement, aucun succès. On échoue trop souvent. Mais c’est bien dans ces mouvements répétés, en tendant sa main encore et encore, que l’on trouve la force de regarder l’Absurde, pas comme un adversaire, mais comme une drôle d’étoile qui nous guide sans nous éclairer. Un compagnon indéniable qui prend souvent sans rendre. Oui, il reste beaucoup à faire pour marcher cette route sans se tourner vers la plage vide et lisse de l’enfer, ni vers l’horizon laid du Passé aplati par le Temps. Encore beaucoup !